B. La folie meurtrière représentée dans la nouvelle



a. Le Horla


La folie meurtrière peut être représentée en poésie, mais également dans toutes autres œuvres littéraires, nous allons le voir avec l’œuvre de Guy de Maupassant, Le Horla et avec son adaptation en bande dessinée de Guillaume Sorel.

Guy de Maupassant, est un écrivain français du XIXème siècle, ce fut sous la direction de Flaubert qu'il « appris » la littérature notamment avec les impositions des exigences de l’esthétique réaliste, de ce professeur particulier, ami de la famille. Il vécu de ses œuvres, il écrivit trois centaines de nouvelles en dix ans, publiées dans les journaux puis dans des recueils. Maupassant était hanté par la peur de la folie, de 1884 à 1886 il avait pris l'habitude d'aller à l’hôpital de la Salpêtrière suivre des cours publics donnés par des sommités médicaux. Les domaines étudiant les zones mystérieuse de l'esprit humain étaient l'hypnotisme et le magnétisme, qui étaient d'ailleurs des domaines à la mode. Il utilisera les renseignements que l'on lui donna à ces cours pour ses nouvelles Le Horla datant de 1886 et de 1887, l’œuvre que nous allons étudier est une nouvelle qui peut être qualifiée de conte de peur ou d'angoisse. Dans cet ouvrage fantastique, le narrateur est sous l'emprise d'un être invisible et donc supérieur à lui grâce à cette caractéristique. Nous allons donc nous questionner, en quoi la folie meurtrière est-elle représentée à travers le(s) personnage(s) ici ? Donc, nous allons tout d'abord mettre l'accent sur les caractéristique de la nouvelle, notamment en appuyant sur le parallèle entre l'auteur et le narrateur, puis nous ferons la lumière sur les différences de l’œuvre d'origine avec son adaptation en bande dessinée de Guillaume Sorel.

Les caractéristiques de la nouvelle.


Le Horla est une nouvelle qui a été retravaillée très finement écrite pour la mise en recueil, une touche de lyrisme propre à Maupassant est présente.

Extraits montrant l'aggravation de l'état du personnage.


Il est question ici, d'un homme grand bourgeois qui se fait dévorer son existence par une angoisse tenace. L’œuvre est ponctuée par les défaillances de perceptions du narrateur qui donnent vie à des éléments de surnaturel. On imagine ce livre comme son journal intime car le narrateur parle à la première personne du singulier. La nouvelle se déroule en mai-juin-juillet et août. L'intrigue dure environ quatre mois. Le héros est lucide et persévérant, il essaye continuellement de se délivrer de l'emprise du Horla mais il n'échappe pas à sa folie.

Le titre de l'ouvrage "Le Horla" est un néologisme qui est à l'origine inspiré d'un mot normand « horsain » signifiant « l'étranger » et également de l'expression le qualifiant de « hors la loi ».

A la lecture de cette nouvelle fantastique on distingue une aggravation progressive de l'état du narrateur. Ses symptômes apparaissent en crescendo, au commencement il ne se doute pas que sa vie va prendre un toute autre tournent, et qu'il sera voué à une fin funeste.

extraits.

8 mai: "Quelle journée admirable".

Puis, petit à petit son état commence à s’aggraver, sans savoir ce qui lui arrive, il ne fait qu'avoir des suppositions sur l'origine de son mal-être : 15 mai: "J'ai un peu de fièvre depuis quelques jours ; je me sens souffrant, ou plutôt je me sens triste.", il se sent triste, une dépression est entrain de prendre forme dans sont esprit.

Le narrateur ne sait pas encore exactement ce qui lui arrive, un soupçon de paranoïa se forme alors : 16 mai: "Je suis malade, décidément ! Je me portais si bien le mois dernier ! J'ai de la fièvre, une fièvre atroce, ou plutôt un énervement fiévreux, qui rend mon âme aussi souffrante que mon corps ! J'ai sans cesse cette sensation affreuse d'un danger menaçant, cette appréhension d'un malheur qui vient ou de la mort qui approche, ce pressentiment qui est sans doute l'atteinte d'un mal encore inconnu, germant dans le sang et dans la chair."

Il est conscient que quelque chose d'étrange est en train de se produire, après une courte période de répit, son état reprend une mauvaise voie :2 juin: "Mon état s'est encore aggravé."

Des événements étranges commencent à se produire, le doute entre apparitions surnaturelles ou hallucinations est entrain de se manifester :4 juillet: "Décidément, je suis repris. Mes cauchemars anciens reviennent. Cette nuit, j'ai senti quelqu'un accroupi sur moi, et qui, sa bouche sur la mienne, buvait ma vie entre mes lèvres. Oui, il la puisait dans ma gorge, comme aurait fait une sangsue. Puis il s'est levé, repu, et moi je me suis réveillé, tellement meurtri, brisé, anéanti, que je ne pouvais plus remuer. Si cela continue encore quelques jours, je repartirai certainement. "

5 juillet: "Ai-je perdu la raison ? Ce qui s'est passé, ce que j'ai vu la nuit dernière est tellement étrange, que ma tête s'égare quand j'y songe !"

6 juillet: "Je deviens fou. On a encore bu toute ma carafe cette nuit ; -ou plutôt, je l'ai bue ! Mais, est ce moi ? Qui serait-ce ? Qui ? Oh ! mon Dieu ! Je deviens fou ! Qui me sauvera ? ».

Le narrateur s'interroge, il se demande si la folie ne l'envahit pas, sa lucidité semble être encore présente dans sont esprit :7 août: "Je me demande si je suis fou.".

Mais très vite on s'aperçoit que la folie prend le dessus et qu'il commence à croire à une présence démoniaque, qui le hante :8 août: "-J'ai passé hier une affreuse soirée. Il ne se manifeste plus, mais je le sens près de moi, m'épiant, me regardant, me pénétrant, me dominant et plus redoutable, en se cachant ainsi, que s'il signalait par des phénomènes surnaturels sa présence invisible et constante. ».

Il devient complètement prisonnier de sa folie, il pense à présent pertinemment que quelqu'un le possède, il va commettre un crime pour se libérer de cette emprise que quelqu'un exerce sur lui mais qui n'existe pas vraiment, son état est devenu incontrôlable, il a perdu la raison, la folie a pris le dessus :14 août: "Je suis perdu ! Quelqu'un possède mon âme et la gouverne ! quelqu'un ordonne tous mes actes, tous mes mouvements, toutes mes pensées. Je ne suis plus rien en moi, rien qu'un spectateur esclave et terrifié de toutes les choses que j'accomplis. Je désire sortir. Je ne peux pas. Il ne veut pas ; et je reste, éperdu, tremblant, dans le fauteuil où il me tient assis. Je désire seulement me lever, me soulever, afin de me croire maître de moi. Je ne peux pas ! Je suis rivé à mon siège adhère au sol, de telle sorte qu'aucune force ne nous soulèverait."

"Qu'ai-je donc ? C'est lui, lui, le Horla, qui me hante, qui me fait penser ces folies ! Il est en moi, il devient mon âme : je le tuerai !"

"J'avais oublié mes domestiques ! Je vis leurs faces affolées, et leur bras qui s'agitaient !...

Alors, éperdu d'horreur, je me mis à courir vers le village en hurlant : "Au secours ! au secours ! au feu ! au feu !".

En l'espace de quatre mois, la vie du narrateur s'est changé en un véritable enfer, dans ce livre, sa folie est racontée ainsi que la terreur qu'il subissait. Un être surhumain, nommé pour la première fois à la fin de la nouvelle, le Horla, boit sa vie et le terrasse chaque nuit. Cette folie le conduira à commettre des actions plus absurdes les unes que les autres et finira par se changer en une folie meurtrière car il en viendra même à mettre le feu à sa demeure et laissera brûler vif ses domestiques.
 


Parallèle entre auteur et narrateur.

Maupassant écrit Le Horla pendant ses moments de lucidité, cette œuvre marque le début de sa folie, il souffrait de troubles, plus précisément d'une impression comme de se voir à l’extérieur de lui ou encore d'être étranger à son reflet dans le miroir, lorsqu'il écrit cet ouvrage il est de plus en plus victime d'hallucinations comme le personnage mis en avant dans sa nouvelle, et de dédoublement de la personnalité causé par la syphilis qu'il avait contracté, il fut interné dans une clinique d'aliéniste à la suite d'une tentative de suicide en 1892, peu de temps avant son décès qui a lieu le 6 juillet 1893. D'ailleurs, Le Horla est une série de conte partant d'un sentiment de double jusqu'à devenir une apparition d'un être surnaturel. L'auteur comme son personnage, perçoit la mort comme seule délivrance, en effet cela est précisé dans les dernières lignes de sa nouvelle : « Non... non... sans aucun doute, sans aucun doute... il n’est pas mort... Alors... alors... il va donc falloir que je me tue, moi !... ».
 

b. Le Horla adapté en bande dessinée.

Si il y a avec cette nouvelle un parallèle entre l'auteur et le narrateur, à cause de ce que traversait Maupassant à cette époque, il existe aussi un parallèle avec l'auteur de la bande dessinée, car Guillaume Sorel était également normand comme le personnage et il a vécu dans le lieu où se déroule l'histoire.

Les informations complémentaires apportées par la bande dessinée sur l'histoire d'origine.
présentation de l'auteur et de son œuvre (vidéo)

http://www.dailymotion.com/video/x1io21p_guillaume-sorel-le-horla_news
 

différences entre les deux œuvres

L'adaptation en bande dessinée de la nouvelle, de Guillaume Sorel nous offre l'opportunité de voir les hallucinations du personnage représentées en image, d'ailleurs dans certains cas, elle nous donne plus de détails que l'histoire d'origine, grâce aux dessins nous comprenons d'avantage ce que le personnage éprouve et l'atrocité de certains passages. Comme dans la nouvelle de Maupassant, la bande dessinée montre l'aggravation progressive du personnage. Guillaume Sorel de par certaines de ses illustrations nous offre un point de vue beaucoup plus détaillé sur les faits étranges, et nous apporte plus de renseignements sur les expressions, sur les différents personnages de l’œuvre et surtout sur l'aspect physique car nous remarquons le visage du personnage principal dans des formes différentes, on distingue mieux les phases de dépressions intenses, de peur, etc..

 Extraits des planches.

Nous avons procédé à la sélection des passages apportant plus d'informations que le récit de Maupassant. Cela nous donne parfois, une toute autre vision des événements, car les illustrations nous conduisent plus vers la dimension surnaturelles des choses au lieu de nous faire percevoir la folie existentielle du personnage.




Les illustrations de cette BD et surtout cette planche rajoute des détails par rapport à la véritable histoire. On remarque ici, une ambiance démoniaque qui nous fait nous interroger. Qui sont ces personnes ? Ces illustrations sont un supplément de phénomènes relevant du surnaturel rajouté en plus du démon présent dans toute l’œuvre.





Ici, la représentation de celui qui le hante apparaît pour la première fois dans la BD. Elle correspond à la description faite par le narrateur dans le récit d'origine :4juillet: "Décidément, je suis repris. Mes cauchemars anciens reviennent. Cette nuit, j'ai senti quelqu'un accroupi sur moi, et qui, sa bouche sur la mienne, buvait ma vie entre mes lèvres. Oui, il la puisait dans ma gorge, comme aurait fait une sangsue. Puis il s'est levé, repu, et moi je me suis réveillé, tellement meurtri, brisé, anéanti, que je ne pouvais plus remuer. Si cela continue encore quelques jours, je repartirai certainement. ».






Un autre phénomène étrange nous est exposé, seulement par la bande dessinée.





Une autre apparition du Horla nous est offerte ici, reprenant exactement le récit de Maupassant.




L'image qui nous est donnée ici, illustre le récit mais nous permet de constater d'avantage la torture que ressent le personnage.







De par ces deux planches, nous constatons beaucoup plus l'atrocité du crime que le narrateur à commis.




Nous remarquons la folie du personnage, par l'expression de son visage, par son regard, nous ne pouvons pas remarquer cela dans le récit.




Le démon nous est dévoilé dans son intégralité, ce qui renforce l'idée qu'une dimension surnaturelle peut être réellement possible.

L'adaptation en bande dessinée de la nouvelle nous apporte des renseignements sur les expressions et sur les hallucinations du personnage que la nouvelle de Maupassant ne nous expose pas. Par les illustrations, nous constatons combien l'état de soumission du narrateur est élevé, et l'atrocité de ce qu'il peut ressentir ainsi que le crime qu'il a commis est accentuée par les images. Grâce aux illustrations nous sommes d'autant plus plongé dans le ressentis du personnage par rapport à la simple lecture du texte.

La folie meurtrière ici est représentée à travers ce personnage qui avec une aggravation au fil des mois devient fou jusqu'à brûler sa demeure, croyant que le Horla était attaché a sa chambre, mais il en oublia ses domestiques qui brûlèrent à l'intérieur alors que l'être qui le « hantait » selon lui, le suivit et le personnage finit par se donner la mort, il y a donc présente dans cette nouvelle une folie qui causa la mort à deux reprises, comme dans Le Vin de l'assassin de Baudelaire, dans ses deux œuvres, les malades finissent par se suicider.