C. La folie représentée dans la nouvelle

a) définition de la « métamorphose »

La métamorphose est le changement d'une forme en une autre, ou un changement d'origine surnaturelle qui rend un être méconnaissable, c'est aussi le changement complet dans l'apparence, l'état, la nature de quelqu'un ou de quelque chose. Ce terme vient du grec « métamorphosis » et signifie en effet une transformation ou un changement de forme. L'Homme a toujours trouvé l'inspiration dans celle-ci, de par la littérature contemporaine ou encore de la Bible par Les Métamorphoses d'Ovide.

Ce thème s'implante dans les mythes et la religion.

b) Analyse de la nouvelle

Franz Kafka est l'un des écrivains majeurs du XXe siècle, bien qu'il soit d'origine tchèque, il écrit ses œuvres en allemand. Cet auteur de littérature étrangère adopte des atmosphères sinistres, asilaires, sociétaires inhumaines, cauchemardesques pour ses personnages. Les thèmes forts de cet auteur ont une tendance d'absurde et de réalisme fantastique.

La Métamorphose datant de 1912, est l'une de ses œuvres les plus connues, elle fascine les psychanalystes, elle est fondée sur la perte d'identité, la culpabilité et la transformation du corps, elle est la représentation métaphorique de la folie. Cette nouvelle d'environ une soixantaine de pages passe pour l'une de ses œuvres les plus énigmatiques. En littérature, la métamorphose représente un thème important, pourtant elle est souvent déclinée par les contes et la mythologie, Kafka la transforme en un thème « kafkaïen » c'est pour cela que nous pouvons incorporer cet ouvrage dans notre analyse, car ce thème propre à cet auteur rentre dans les critères de la folie, puisque l'absurde et l'illogique y règne.

Nous allons donc nous interroger, comment la folie est elle représentée à travers le(s) personnage(s) dans La Métamorphose ? Tout d'abord, nous allons nous pencher sur la représentation métaphorique de la folie, puis nous nous intéresserons à l'exclusion de la société.



(image du Salon Littéraire)


 

Une représentation métaphorique de la folie


Gregor Samsa est le personnage principal de cette œuvre qui incarne la folie, tout en fascinant les psychanalystes elle est fondée sur la perte d'identité, la culpabilité et la transformation du corps.
 

Résumé de l’œuvre

Gregor Samsa se réveilla un matin, après une nuit remplie de rêves agités. Il se retrouva dans son lit, absolument métamorphosé en une créature répugnante, un insecte géant. La métamorphose qu'il a subie ne sera expliquée à aucun moment de l'ouvrage, le personnage ignore les raisons de ce changement. Il est représentant de commerce dans le domaine du tissu et de la confection et le seul membre de la famille actif d'un point de vu financier car les affaires de son père ont périclité quelques années auparavant. Gregor vit aux côtés de sa sœur Grete et de leurs parents, son travail permet donc de faire vivre les siens.

Désormais, devenu insecte, il est dans l'incapacité de communiquer avec sa famille, mais, cependant, il comprend tout ce qu'il se dit autour de lui. Il est pris au piège dans sa chambre, et l'ombre d'avoir une vie sociale est totalement réduite à néant. Ses parents le renient, ils ne veulent plus entendre parler de lui. Il effraie son père et le répugne, sa mère sera curieuse à de nombreuses reprises mais le laissera dans son désespoir. Seulement sa sœur, s'occupe de lui comme elle le peut, elle est la seule a éprouver de la compassion envers le monstre qu'est devenu son frère, même si lorsqu'elle entre dans sa chambre pour le nourrir ou faire le ménage, celui-ci se cache pour lui épargner la vue de cet être immonde qu'il est, à présent. Les siens le cache, ils ont honte de sa transformation et pourtant Gregor culpabilise de ne plus pouvoir les aider. Il persiste et tente de préserver le peu d'humanité qu'il lui reste en suivant discrètement et de loin la vie qui suit son court dans l'appartement familial. Ce personnage est meurtri autant physiquement que psychologiquement, la seule échappatoire à sa condition est la mort, il désespère et se laisse donc mourir, ce qui offrira un sentiment de libération à ses parents et à sa sœur.

Perceptions du personnage


Cette œuvre nous expose une vison kafkaïenne de la vie. La folie est représentée à travers ce personnage, par l'absurdité de la transformation qui lui tombe dessus, il ne croit pas à ce qui lui arrive, qui pourrait y croire : « « Et si je dormais un peu et oubliais toutes ces sottises ? » » ; « « Ah, mon Dieu », songea-t-il, « quel métier fatiguant j'ai choisi ! Jour après jour en tournée. Les affaires vous énervent bien plus qu'au siège même de la firme, et par-dessus le marché je dois subir le tracas des déplacements, le souci des correspondances ferroviaires, les repas irréguliers et mauvais, et des contacts humains qui changent sans cesse, ne durent jamais, ne deviennent jamais cordiaux. Que le diable emporte tout cela ! » » ; « Il glissa et reprit sa position antérieur. « A force de se lever tôt », pensa-t-il, « on devient complètement stupide.[...] ». On remarque que malgré le fait qu'il se soit métamorphosé, il ne perd pas la raison.

Gregor est inutile, il n'aide plus financièrement sa famille et ne peut pas sortir de sa chambre, il interprète ce changement comme un vrai handicap, sa routine devient insupportable.

La vision kafkaïenne de la vie est présente tout au long de cette œuvre et tout ce qu'elle comporte : l'absurdité, l'inutilité, le handicap, cette routine insupportable, et les relations familial corrompues.
 

L'exclusion de la société 

Après sa transformation, le personnage est totalement rejeté, ses parents ne comprennent pas et ne ressentent pas la moindre peine, la mort prochaine de Gregor représentera la fin d'un fardeau.

L'enfermement

Le personnage est voué à être enfermé dans sa chambre, mais également dans son corps d'insecte et dans le silence de cette pièce : « C'est au crépuscule seulement que Gregor se réveilla, après un sommeil lourd et comateux » ; « Il vit seulement encore, d’un dernier regard, qu’on ouvrait

la porte de sa chambre et que, suivie par sa sœur qui criait, sa mère en sortait précipitamment, en chemise, car sa sœur l’avait déshabillée pour qu’elle respirât plus librement pendant son évanouissement, puis que sa mère courait vers son père en perdant en chemin, l’un après l’autre, ses jupons délacés qui glissaient à terre, et qu’en trébuchant sur eux elle se précipitait sur le père, l’enlaçait, ne faisait plus qu’un avec lui – mais Gregor perdait déjà la vue – et, les mains derrière la nuque du père, le suppliait d’épargner la vie de Gregor. »

Ce sentiment de solitude et d'exclusion le meurtri, il est exclu comme les malades mentaux en marge de la société, envoyés dans les asiles, et torturés. Il souffre du regard que porte les siens sur lui, d'ailleurs aucuns membres de sa famille ne se préoccupe de ce qu'il peut ressentir : « Cette grave blessure, dont Gregor souffrit plus d’un mois –personne n’osant enlever la pomme, elle resta comme un visible souvenir, fichée dans sa chair – parut rappeler, même à son père, qu’en dépit de la forme affligeante et même répugnante qu’il avait à présent, Gregor était un membre de la famille, qu’on n’avait pas le droit de le traiter en ennemi et qu’on contraire le devoir familial imposait qu’à son égard on ravalât toute aversion et l’on s’armât de patience, rien que de patience. ».

Il perd son humanité et renonce à la vie, sa famille est libérée : « Et ce fut pour eux comme la confirmation de ces rêves nouveaux et de ces bonnes intentions, lorsqu’en arrivant à destination ils virent leur fille se lever la première et étirer son jeune corps. ». C'est lorsque quand la femme de ménage découvre le corps de Gregor que l'image du récit est la plus forte, car le personnage de la nouvelle est réduit à un « ça » : « Venez voir un peu ça, c’est crevé ; c’est là, par terre, complètement crevé ».


 La nouvelle en vidéo (extrait : commencement de l’œuvre)


http://www.ina.fr/video/CPC83051913


Ce qui nous permet de dire que la folie est représentée à travers le personnage ici, est tout d'abord le thème présent dans cette œuvre, qui est la propriété de l'auteur.


Le thème « kafkaïen » est la transformation de la métamorphose en littérature, cela caractérise le style de Kafka, il est souvent péjoratif car il sert d'évocation de l'atmosphère sinistre, absurde et dérisoire présente dans les œuvres de cet auteur tchèque. L’œuvre en elle même est la représentation métaphorique de la folie, on y retrouve vraiment la vision kafkaïenne de la vie, de par l’absurdité, l'inutilité, le handicap, la routine insupportable, les relations familial corrompues et le fait de ne plus avoir de vie social, ce thème rentre parfaitement dans les critères de la folie, puisque l'absurde et l'illogique y règne. D'ailleurs, nous ne savons pas ce qu'est devenu réellement le personnage, certains le qualifie de vermine. Cette nouvelle nous expose un être rejeté, exclu de la société, comme les malades mentaux de cette époque. Elle se trouve au cœur de la thématique de Kafka, qui nous fait nous interroger sur la signification de la vie, sur notre destinée, sur le fait que l'humain soit qu'une vermine vouée à mourir, délaissée par son entourage qui ne ressent aucune compassion.


A aucun moment, l'auteur nous explique la raison de cette métamorphose, il se contente de la décrire et de la présenter comme une fatalité.